samedi 14 avril 2007

La question du jour

Pourquoi les enseignants, dont le métier est d'aider les jeunes à devenir autonomes et à s'assumer ds leur vie d'adultes, votent-ils majoritairement à gauche, alors qu'elle pratique l'assistanat?
La droite a quand même un message plus en phase avec leur rôle : le mérite, la volonté, le courage...
Donnez-moi votre avis car sincèrement, en tant qu'enseignant, je me pose la question depuis très longtemps...

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Je ne suis pas vraiment d'accord (1) avec la manière de poser la question ni (2) avec le début de réponse proposé.
1) "La gauche pratique l'assistanat" est une assertion un peu trop générale. Qu'entend-on au juste par "assistanat"? Les allocations de chômage? Le RMI? L'assurance soins de santé? Les pensions? L'aide sociale? Dans ce cas, une bonne partie de la droite pratique aussi l'assistanat. S'il s'agit par contre d'envisager la manière de gérer les différentes formes d'assistance, il y a des différences réelles entre la gauche et la droite, mais là encore, je ne pense pas qu’il y ait unanimité au sein de chaque tendance politique : je ne pense pas que Marie-Georges Buffet soit sur la même longueur d’ondes que Ségolène Royal à ce propos, ni Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy.
Par ailleurs, en particulier lors de cette campagne présidentielle, les discours (qui pour ne pas faciliter les choses ne coïncident pas nécessairement avec les programmes, mais c’est une autre affaire) ne se résument quand même pas à une opposition entre assistanat et méritocratie. Il y a une valorisation du mérite personnel dans les discours de Ségolène Royal (qu’elle prétend d’ailleurs incarner en tant que femme qui malgré son statut de femme est arrivée où elle en est) et il y a une volonté de corriger les inégalités dans le discours de Nicolas Sarkozy (notamment par le truchement de la discrimination positive, quoique j’avoue que je ne sais plus très bien où il en est par rapport à ce concept tant contesté). Au sein des doctrines politiques qui admettent l’économie de marché, je pense que, quoiqu’en disent certains, les différences gauche-droite résident essentiellement dans les dosages (de l’assistance, de l’intervention de l’état,…) plus que dans des oppositions tranchées comme l’assistanat versus la méritocratie. Même si dans les discours, en particulier à gauche et devant certains auditoires plus « populaires », on met surtout l’accent sur la correction des inégalités et la « chasse aux riches ».
J’attends donc, de la part d’un brillant analyste, qu’il nuance sa question pour pouvoir amener un début de débat rationnel, faute de réponse simple.

2) Le début de réponse proposé : « La droite a quand même un message plus en phase avec leur rôle : le mérite, la volonté, le courage… ».
D’abord, ce début de réponse n’est ni vrai ni faux ; c’est une prise de position sur des valeurs morales. Cette prise de position est légitime et ces valeurs sont honorables, mais comme toutes les valeurs, discutables. Certains enseignants, sans nécessairement tourner le dos à ces valeurs, en privilégieront peut-être d’autres dans leur tentative de transmission : le respect, l’égalité, la fraternité, la tolérance, par exemple. Et celles-ci ne sont ni plus ni moins honorables que celles-là. Elles sont toutes autant de partis pris, et peuvent d’ailleurs se mêler dans le « système » moral que chacun, les enseignants comme les autres citoyens, se construit.
Par ailleurs, et plus prosaïquement, les enseignants votent-ils plus pour des valeurs ou pour un programme ? J’ai quand même l’impression que, traditionnellement, les programmes de la gauche favorisent davantage les enseignants, et en particulier leurs conditions de travail, que la droite. Je ne prends pas position, mais par exemple l’idée de ne pas remplacer un fonctionnaire pensionné sur deux, y compris à l’éducation nationale, a de quoi faire peur aux enseignants et raviver la vision d’horreur de classes surpeuplées et chahuteuses. Je dis bien « traditionnellement » car, comme on l’a vu dans cette campagne, on ne peut pas vraiment dire que les postures et les propositions de Ségolène Royal aient franchement séduit les enseignants, qui du coup se seraient plutôt tournés vers Bayrou. Il faut peut-être ajouter à cela le fait qu’historiquement, les milieux enseignants sont très syndiqués et donc sans doute plus imprégnés des valeurs de gauche (quoique je ne sais pas si c’est la même chose en France qu’en Belgique).
Bref, je pense que les raisons, sans doute multiples et complexes, du vote à gauche des enseignants sont à rechercher davantage dans une adhésion à des programmes plus favorables à la profession que dans un supposé partage de valeurs communes.
Vlad.

A. Grevisse a dit…

Waouh...
Réponse bien argumentée... !!
Je suis assez d'accord, même si le message final me dérange en tant qu'enseignant. Il supposerait que les enseignants accordent davantage d'importance à leurs conditions de travail qu'à leur mission. Personnellement, ça n'a jamais été mon cas. Et j'espère ne JAMAIS privilégier ma petite personne dans mes choix électoraux.Pour ce qui est de la deuxième partie de ta réponse (les valeurs), je suis assez d'accord. J'ai tendance à envisager les choses par le biais de ma vision personnelle. Et il est clair que dans ma représentation, la finalité de ma mission d'enseignant est développer la capacité d'autonomie de mes étudiants. Les autres valeurs que tu cites (respect, égalité, fraternité...) sont quant à moi des valeurs évidentes, que tout le monde doit véhiculer, y compris les enseigants. Elle s'inscrivent dans le cadre de cette mission générale. Mais elles sont sous-jacentes.
Ceci dit, je conçois que des collègues n'envisagent peut-être pas le shéma configuré de la même façon.

Anonyme a dit…

Attention, lorsque je parle de mesures qui leur sont favorables, il peut aussi s'agir des mesures qu'ils considèrent comme favorables à un enseignement de qualité, au bien-être des élèves, etc. Comme dans l'équation (j'invente c'est juste pour illustrer): enseignant bien payé = enseignant motivé=élève bien encadré.
Enfin bref on se comprend en gros.

Anonyme a dit…

Bon je sais tu vas encore me dire que je ne construits pas ma réponse, mais ce n'est pas grave, je te donne quand même un élèment de réponse.
Peut être que les enseignants français votent à gauche parce qu'ils sont fonctionnaires. C'est une des différence avec ton statut de prof ici en Belgique. Alors comme tout bon fonctionnaire qui se respecte, l'enseignant va se mettre du côté de celui qui va défendre ses droits et ses acquis, donc la gauche. Mais ua delà de ce statut de fonctionnaire, il ne faut pas oublier non plus que le rôle d'un enseignant est aussi d'éduquer certains principes et par là d'assister les parents dans l'éducation des enfants.
Or le mérite, le courage, et la volonté ne font pas tout. Si on ne sa base que sur ces principes là, ne s'oriente t'on pas vers une plus grande discrimination? Certes le courage et la volonté inspirent le mérite mais ça ne fait pas tout. Il faut aussi des personnes pour pousser ceux qui ont des difficultés. Pour le enfants issus de milieux défavorisés et dont les parents ne peuvent pas les aider, les enseignants ne sont ils pas là pour ça et pour faire en sorte qu'il s'en sorte de mieux qu'ils le pourront?